POUR UNE PÉDAGOGIE EXPLICITE DE LA COMPRÉHENSION

L’Atelier de Compréhension de Textes (ACT)

4- Pour aller plus loin
Les enjeux d’un enseignement de la compréhension

Trois types d’enjeux ont été distingués dans le cadre des ACT: philosophiques – politiques – pédagogiques

  • Objectif : Comprendre les enjeux culturels et sociétaux développés dans les ateliers de compréhension de texte ?
  • En quoi les ateliers de compréhension de texte participent de l’acquisition des savoirs fondamentaux nécessaires à la réussite des élèves et à leur réalisation en tant qu’individus ?
  • Durée : 30 min

Les enjeux philosophiques : le sens des ACT

Notre conviction, en matière de lecture -mais aussi pour tous les apprentissages- c’est que la conscience des enjeux sociaux ainsi que la clarté de la démarche de cognitive sont nécessaires pour donner du sens à la maîtrise des mécanismes. Certes l’automatisation des mécanismes linguistiques est indispensable pour accéder à une lecture rapide et efficace, mais si un élève n’a pas conscience du pour quoi et du comment on fabrique du sens, l’automatisation des mécanismes tournera à vide.

Notre pari est donc de faire de la méta-compréhension le catalyseur indispensable des habiletés que l’acte de lecture mobilise : automatisation des correspondances graphophonologiques, connaissances du vocabulaire, repérage de l’organisation grammaticale doivent être réunis, organisés et mis en synergie par la découverte des principes de l’acte de compréhension.
C’est pourquoi nous avons osé proposer que l’élève puisse apprendre ce que c’est que lire avant de savoir lire grâce à la lecture de texte lus puis questionnés par un groupe. De la maternelle au collège, de la lecture reçue du maître à celle devenue autonome, la découverte des fondements de l’acte compréhension doit être notre préoccupation, j’oserais dire, notre « obsession ».
Le fondement, je dirais même la raison d’être des ACT c’est donc de faire « vivre » à un groupe d’élèves ce que c’est que comprendre un texte en termes de probité intellectuelle : c’est-à-dire négocier cet équilibre contrôlé entre de justes ambitions d’interprétation et le respect qu’on doit au texte et à son auteur.

Les enjeux politiques de l’ACT : probité et laïcité

Parce que l’enseignement laïque se doit de donner toute sa place à la formation de la raison plus qu’à la contemplation passive des lois de Dieu, il doit engager la quête libre et rigoureuse du vrai et placer au cœur même de son combat la formation à une probité intellectuelle sans faille.

A ses élèves, elle doit ainsi transmettre la nécessité d’un équilibre exigeant entre droits et devoirs intellectuels : droits d’exprimer librement sa pensée mais obligation de la soumettre à une critique sans complaisance ; droits de faire valoir ses convictions mais interdiction de manipuler le plus vulnérable ; droit d’affirmer ce que l’on croit vrai mais devoir d’en rechercher obstinément la pertinence ; droit de questionner ce que l’on apprend mais devoir de reconnaître la légitimité du maître ; droits enfin et surtout d’interpréter les textes mais devoir de respecter la volonté et des espoirs de l’auteur.
L’école laïque ne dit pas ce qu’il faut comprendre ni en qui il faut croire, elle apprend à lire juste, à écrire juste et à regarder le monde avec rigueur. Elle donne ainsi à chaque élève les armes d’une liberté de pensée qui sert l’intelligence collective. Telle est la signification « politique » des ACT.

Les enjeux pédagogiques de l’ACT

Tout au long de l’apprentissage de la lecture, pendant que vous ferez franchir une à une les étapes nécessaires, vous devrez avoir une claire conscience de ce vers quoi vous menez vos élèves : cette formidable aventure qui consiste à fabriquer son propre sens à travers les mots d’un autre. C’est cette conscience du but à atteindre qui sera le moteur de votre enseignement ; c’est par votre capacité à faire entrevoir à vos élèves les promesses de la lecture que vous leur ferez accepter avec bonheur un parcours parfois laborieux. Ne l’oubliez pas !

On n’apprend à lire qu’une seule fois, de même que l’on n’apprend à parler qu’une seule fois. C’est à dire que l’on comprend une fois pour toutes ce que lire veut dire après avoir compris ce que parler veut dire. Cette prise de conscience des enjeux de la lecture n’est ni solitaire ni ponctuelle. Cela n’a rien d’une révélation subite, rien à voir avec l’Eurêka. La lecture, comme le langage, dévoile ses charmes à qui les découvre à son rythme avec l’aide attentive de l’enseignant.

L’autre vient-il à manquer, les hypothèses faites par l’enfant resteront alors lettre morte. Personne n’en signifiera la validité ou l’erreur et l’enfant, abandonné à lui-même, nouera avec la lecture des malentendus souvent définitifs. Notre conviction, en matière de lecture -mais aussi pour tous les apprentissages- c’est que la conscience des fonctions sociales de la lecture ainsi que la clarté de la démarche cognitive sont nécessaires pour donner du sens à la maîtrise des mécanismes.

Certes l’automatisation des mécanismes linguistiques est indispensable pour accéder à une lecture rapide et efficace, mais si un élève n’a pas conscience du pour quoi et du comment on fabrique du sens, l’automatisation des mécanismes tournera à vide. Un atelier de compréhension de texte c’est un lieu où les comportements pédagogiques du maître et de l’élève sont fondamentalement différents de ceux que révèle une relation d’enseignement traditionnelle.

Le maître « accouche » les représentations que chacun de ses élèves se fait du texte proposé. Il les accueille avec patience et bienveillance et en garde les traces précieuses dans leur diversité. Il sait que l’importance à ce stade c’est que la fonction imageante de chaque élève opère dans sa singularité. Il sait aussi que viendra le temps de l’arbitrage et du tri ; le temps où le texte et l’auteur revendiqueront leur droit légitime de distinguer l’interprétation acceptable de la trahison. Un atelier de compréhension de texte c’est un lieu où le maître fait confiance à l’intelligence de l’enfant, où il fait le pari qu’en vivant avec ses camarades les difficiles négociations du sens d’un texte, il prendra progressivement conscience des articulations de la démarche de compréhension.
La conduite d’un ACT demande donc à la fois rigueur et exigence mais aussi infiniment d’ouverture, d’attention et de patience.