Tribunes

DES MOTS POUR DIRE LE MONDE

Lorsque les mots précis manquent aux enfants, c’est le sens qu’ils tentent de donner au monde qui s’obscurcit. Un enfant sur quatre, arrive aujourd’hui à l’école élémentaire, en entretenant une relation aux mots extrêmement confuse. La conscience qu’ils s’articulent dans une phrase, la définition du sens que chacun porte vers l’autre, l’identification du territoire qu’il occupe par rapport aux autres mots restent pour certains, extrêmement floues. Ils utilisent leur langage dans une sorte de « brouillard sémantique » qui n’autorise qu’une conduite linguistique de très faible amplitude. Ils parlent à vue, c’est-à-dire uniquement de ce qu’ils voient et seulement à ceux qu’ils voient.

Par Alain Bentolila – 29/01/2024

FAUT-IL RENONCER AUX REGLES LINGUISTIQUES ET SOCIALES ?

Beaucoup de spécialistes de l’éducation, qui n’ont jamais mis les pieds dans une classe, décrivent l’école française comme un lieu où règnent la peur et la frustration contrairement à d’autres systèmes (plus au Nord de l’Europe) où l’école serait un lieu de joie et de bonheur sans nuages où les leçons d’empathie préserveraient les élèves du harcèlement et de la violence. Sociologues bien-pensant et linguistes autoproclamés exigent ainsi que soient bannis en classe, tout constat d’erreur ou d’insuffisance, tout rappel aux règles, toute évaluation des compétences, toutes choses considérées aujourd’hui comme une intolérable stigmatisation des plus faibles et des plus fragiles.

Par Alain Bentolila – 24/11/2023

« L’air du temps » : la langue française gagnée par le wokisme

Dans son discours lors de l’inauguration de la Cité internationale de la langue française, le président Emmanuel Macron a conseillé que l’on se méfie de « l’air du temps ». Dénonçant la complaisance pour une pseudo diversité qui cache mal une terrible impuissance linguistique ; rappelant le devoir de l’école et des familles de cultiver une langue forte et précise. Qu’il soit entendu ! Notamment par tous ceux qui confondent diversité des usages et impuissance linguistique.

Par Alain Bentolila – 01/11/2023

Refuser que le destin scolaire des plus fragiles soit scellé dès six ans : pour une école maternelle d’excellence

Lorsqu’il fut décidé d’ouvrir plus largement les portes de l’Ecole à tous les enfants et non plus à quelques-uns, nous priment collectivement l’engagement de les y recevoir tous tels qu’ils étaient : ceux issus de catégories sociales peu favorisées , mais aussi ceux venus d’ailleurs en équilibre culturel et linguistique instable. Cet engagement ne pouvait être tenu au sein d’une école qui avait été construite pour accueillir des privilégiés préalablement triés. Pour faire face à une hétérogénéité linguistique et culturelle inquiétante, Il eût fallu que cette école se transformât en profondeur dans ses contenus, sa pédagogie, la formation de ses maîtres et ses finalités professionnelles.

Par Alain Bentolila – 29/10/2023

LE PIEGE DE L’APPARTENANCE

Dans une période où les musulmans français, parce que musulmans, sont soupçonnés d’approuver des actes de barbarie, dans un temps ou les juifs français, parce que juifs, sont sommés de montrer de la complaisance envers l’actuel  gouvernement israélien, en ces jours où une femme, parce que femme, peut être assassinée pour avoir montré une boucle de ses cheveux, il est urgent d’opposer à cette vague d’imbécilités une stricte distinction entre « appartenance » et « identité ».

Par Alain Bentolila – 27/10/2023

LA TENTATION DELICIEUSE DU MEURTRE…

Les tueries arbitraires s’enchaînent encore et encore. A chaque meurtre on dénonce le manque de moyens pour nous défendre contre la violence du terrorisme et pour protéger notre jeunesse contre les marchands de mort qui rodent sur internet. On nous promet la main sur le cœur l’augmentation des forces de police et de gendarmerie, on jure de multiplier les portiques à l’entrée des écoles et enfin on s’engage à exercer une vigilance plus ferme sur les réseaux sociaux. Mais peut-on raisonnablement penser que toutes ces mesures – certes nécessaires- nous garantiront la victoire finale ?

Par Alain Bentolila – 14/10/2023

Complaisance et compassion détruisent le désir d’élévation

Il y a quelques années, Jean jacques Goldman –à l’ouverture de la campagne des restos du cœur- avait osé exhorter les jeunes en difficulté, à « se prendre en main ». Bien mal lui en prit ! Il eut mieux fait de s’excuser d’avoir gagné de l’argent et d’avoir acquis une trop voyante notoriété. Et pour aggraver son cas, il avait eu le culot de rappeler qu’il avait durement trimé pour en arriver là où il était et qu’il y avait en France une lueur d’espoir pour qui veut bien « se bouger ».

Par Alain Bentolila – 03/10/2023

REVISITER BABEL : L’ELEVATION CONTRE LA REVELATION

La belle histoire de la tour de Babel nous raconte comment des hommes s’engagèrent monter à l’assaut des mystères de l’univers. Faut-il louer Dieu d’avoir donné à l’Homme le Verbe, et la pensée qui va avec pour comprendre le monde qu’Il a créé ? Ou au contraire, faut-il stigmatiser les intelligences humaines qui, portées par une curiosité malsaine, tentèrent, de comprendre ensemble refusant la contemplation pour choisir le questionnement ?

Par Alain Bentolila – 14/09/2023

ELOGE DE LA LANGUE

De la sauvegarde des langues minorées et interdites d’écriture, au combat contre la « précarité linguistique » programmant dès l’enfance l’échec des élèves fragiles, ma seule ambition aura été tout au long de ma vie de linguiste de servir la cause de la langue en la plaçant au centre exact de l’humanité. Portant notre pensée au plus juste de nos intentions, elle nous permet de refuser la dictature de l’évidence et nous invite à l’explication universelle plutôt qu’à la soumission aux apparences.

Par Alain Bentolila – 25/08/2023

L’Ecole des faux-semblants

Lorsque s’est levée dans les années quatre-vingt la barrière d’une sélection qui, reconnaissons-le, était injuste et cruelle, un nombre considérable d’enfants, jusque-là très tôt écartés, se sont trouvés précipités dans un système qui n’était pas conçu pour eux. Le filtre culturel et social ayant été retiré, l’école s’est trouvée mise au défi d’instruire des enfants de moins en moins « éduqués » : de l’école, on leur avait donné des représentations confuses et parfois négatives ; du langage, ils n’avaient qu’une maîtrise très approximative.

Par Alain Bentolila – 18/08/2023

Contre la barbarie de nos enfants, une alliance école-famille

La ghettoïsation sociale a engendré une insécurité linguistique et une anomie culturelle qui fomente une violence précoce qu’une école enclavée et des familles dépassées, se révèlent incapables de briser. Soyons clair ! Il est hors de question de laisser entendre que certains enfants n’auraient pas les moyens intellectuels de se doter d’une langue puissante et efficace et d’avoir accès à une culture universelle. Tout ce que nous savons sur les langues et les populations qui les parlent ne laisse planer aucun doute sur le fait que tout être humain quel que soit sa race, son ethnie, et sa culture possède le même potentiel d’apprentissage linguistique et de partage culturel. Mais encore faut –il que la cellule familiale, les stimuli interrelationnels et les ambitions qu’on lui propose poussent un enfant à donner leur chance aux mots plutôt qu’à se battre.

Par Alain Bentolila – 02/07/2023

POURQUOI SE LEVER LE MATIN ?

Le glissement du paradigme de l’incompétence (« je ne sais pas lire ! Je ne sais pas compter… ») à celui de l’incompatibilité (« lire, compter ce n’est pas pour moi !») s’est considérablement accentué durant ces quarante dernières années. Tous ceux, sociologues et linguistes autoproclamés, qui ont complaisamment dénoncé la désuétude voire l’inconvenance de l’Ecole fondamentale ont installé l’idée, chez certains élèves et parfois chez certains parents, que les propositions scolaires étaient incompatibles avec leurs appartenances culturelles et cultuelles. L’échec scolaire a pris ainsi une tout autre signification : l’erreur n’est plus un signal d’insuffisance, mais elle est devenue une marque de diversité.

Par Alain Bentolila – 08/06/2023

Ecoles et langues régionales

Notre histoire a traité de façon très inégale les différentes langues de France. Le français a ainsi confisqué à son seul usage les cercles officiels de la communication, chassant du même coup d’autres langues de ces lieux de pouvoir. Tous ces instruments de communication minorés, que l’on nomme dialectes ou patois sont en fait des langues qui ont manqué de chance. Elles partagent avec les langues dominantes les mêmes structures fondamentales et le même potentiel de communication, mais elles ont été longtemps – et sont encore – confinées à un usage de proximité et de connivence. Elles portent dans leur vocabulaire et même dans leurs structures syntaxiques les traces de l’ostracisme qu’elles ont subi.

Par Alain Bentolila – 05/2023

CHAT GPT TUE LE DESIR D’APPRENDRE

Vouloir savoir ne signifie pas vouloir apprendre. Cette distance nécessaire entre savoir et apprendre est aujourd’hui mise en cause par des réseaux sociaux qui célèbrent la connivence au lieu d’expliciter les différences et qui n’invitent plus au dialogue, mais enferment dans un « entre soi imbécile ». C’est bien dans cette logique délétère que s’inscrit ChatGPT. Le danger qu’il fait planer sur notre école ne se réduit pas à la fraude qu’il autoriserait, car on trouvera toujours les moyens techniques de la dénoncer. C’est bien plutôt dans un rapport perverti aux connaissances que réside la menace.

Par Alain Bentolila – 01/05/2023

COMMENT LE LANGAGE FUT-IL CREE ?

A cette question, le linguiste ne peut tenter de répondre qu’en s’appuyant sur les universaux du langage, c’est-à-dire les principes auxquels obéissent toutes les langues du monde. C’est en étudiant ce noyau commun à tous les idiomes que l’on peut tenter d’imaginer avec humilité et rigueur les étapes de la genèse du langage.

Au début du langage, bien avant qu’AWE ait prononcé son premier vocable, les premiers hommes avaient créé leurs premiers signaux afin d’échanger des informations dont leur survie individuelle et collective dépendait. Il s’agissait de lancer des avertissements, pas encore de nommer des objets ou des êtres vivants ; et il était encore loin le temps où ils échangeraient des propos sur l’organisation du monde.

Par Alain Bentolila – 26/04/2023

UNE ECOLE QUI COMBAT LE SECTARISME ET L’ENFERMEMENT

Le fait que les élèves appartiennent, par un hasard heureux ou non, à des groupes dans lesquels ils partagent certaines croyances, certaines références culturelles, certains comportements, ne doit en aucune façon réduire la liberté intellectuelle de chacun d’eux. Tout comme cela ne doit jamais troubler les valeurs universelles au nom desquelles le projet éducatif national les rassemble. Il apparaît donc absolument essentiel de faire distinguer clairement dans nos classes les deux concept d’appartenance (x ∈ E) et d’identité(x=E).

Par Alain Bentolila – 02/04/2023

PLUS QUE LA TERREUR, L’ABÊTISSEMENT DES PEUPLES SERT LES DICTATEURS

Ni Poutine, ni Khamenei, ni Castro, ni Xi Jinping…. ne sont des imbéciles non plus que des fous. Loin de là ! ils ont consciencieusement décervelé leurs peuples respectifs, ou du moins une bonne partie de leur population, pour les rendre crédules face à leurs mensonges et vulnérables face à leurs manipulations.

Par Alain BENTOLILA – 22/02/2023

MEFIONS-NOUS DE LA DICTATURE DE L’IMAGE

A toutes les étapes de son développement, enseignants et parents doivent s’employer à libérer les enfants du piège de l’évidence pour leur apprendre à penser par eux-mêmes. L’apprentissage de la lecture et de l’écriture s’inscrit au centre du même combat, parce qu’elles les invitent à dépasser les limites de la proximité et de l’immédiat pour libérer leurs imaginations singulières. L’omniprésence des écrans, l’addiction irrépressible aux photos et aux vidéos soumettent aujourd’hui nos enfants au danger d’une régression : l’image règne en maîtresse, imposant la dictature de l’évidence ponctuelle à leur réflexion et à leur imagination, engendrant la méfiance pour toute conceptualisation et la suspicion envers la profondeur historique.

Par Alain BENTOLILA – 29/01/2023

DEFAITE DE LA LANGUE ET DEFAITE DE LA PENSEE

Plus d’un jeune français sur cinq, après des années passés dans les murs de l’École de la République, se trouve dans une situation d’insécurité linguistique globale à l’oral comme à l’écrit. Cette insécurité obscurcit durablement son horizon culturel et professionnel. Échec scolaire, errance sociale, voilà où les a conduit l’incapacité de mettre en mots leur pensée avec précision et de recevoir celle de l’Autre avec vigilance. Pour tous ces jeunes gens et jeunes filles, la défaite de la langue c’est aussi la défaite de la pensée et le renoncement à tout engagement pacifique.

Par Alain BENTOLILA – 20/01/2023

BONS EN ORTHOGRAPHE, BONS EN LECTURE

Plusieurs études convergent pour remarquer que s’il existe des sujets faibles en orthographe et bons lecteurs en compréhension, on trouve difficilement des sujets qui, ayant de bons résultats en orthographe, sont vraiment mauvais lecteurs en compréhension (André OUZOULIAS 2016). Une hypothèse s’impose : la baisse des résultats moyens des élèves français dans ces dernières années en lecture semble être liée à celle qui a été observée durant cette même période en orthographe.

Par Alain BENTOLILA – 18/01/2023