– 3ème partie –

Concilier rigueur de la progression et invitation à la découverte


L’enseignement de la grammaire a connu les mêmes dérives que celui de la lecture : le renoncement à respecter une progression rigoureuse dans l’espoir illusoire de faire de la rencontre des textes le déclencheur de l’observation et de l’analyse des mécanismes de la langue.

  • Progression rigoureuse et programmée

De même que l’enseignement de la lecture exige que l’on fasse découvrir à l’élève les relations grapho-phonologiques dans un ordre précis, défini par des critères de fréquence et de complexité croissantes, de même, l’enseignement de la grammaire impose que l’on fasse analyser les règles d’organisation de la langue en les hiérarchisant selon leur degré de complexité et de fréquence. Dans un cas comme dans l’autre , on ne doit surtout pas sacrifier inconsidérément la progression rigoureuse, seule garante d’un apprentissage efficace, et abandonner l’articulation logique de l’apprentissage au profit de la rencontre aléatoire de textes.L’étude réfléchie de la grammaire ne saurait être annexée à la fréquentation occasionnelle d’un texte de lecture. Elle répond à une logique interne qui permet de décrire le système en allant du plus simple au plus complexe, du plus fréquent au plus rare. En remplaçant la « leçon de grammaire » par une « séquence d’observation réfléchie de la langue » liée à la lecture d’un texte, on risque d’induire deux conséquences aussi fâcheuses l’une que l’autre : d’une part rompre le fil de la compréhension sensible et imageante du texte par une inopportune distanciation, d’autre part ne respecter aucune programmation cohérente dans l’étude des faits grammaticaux. En bref, on aura perdu sur les deux tableaux : on a affadi le goût du sens et l’on aura émoussé le fil de l’analyse. Les leçons de grammaire doivent donc être des « espaces pédagogiques » à part entière chacune construite pour un objectif d’analyse spécifique qui s’inscrit dans une programmation logiquement organisée. Pour chaque leçon, on présente des phrases propres à mettre en évidence un mécanisme, on invite à la manipulation et à la réflexion et on propose enfin des exercices systématiques afin de faire maîtriser ce fait grammatical. Progression veut dire « approfondissement progressif », c’est-à-dire analyse d’un même fait grammatical niveau de classe après niveau de classe dans ses dimensions de plus en plus rares. Ainsi l’identification du « sujet » en CE2 pourra être fondée sur l’idée « qu’il est le responsable d’une action » ; cette vérité certes provisoire, certes incomplète sera précisée en CM1 et en CM2 par le recours à des critères plus formels de distribution et de compatibilités puis par son rôle particulier avec les verbes d’état, pour ouvrir enfin à l’étude de la voix passive.


  • Observation manipulation et découverte

Attention ! Ce n’est pas parce que nous préconisons de respecter une programmation logique des leçons de grammaire que nous repoussons le choix pédagogique de l’observation, de la manipulation et de la réflexion.

Loin de nous l’idée qu’une leçon de grammaire se réduirait à asséner une règle et à l’illustrer par des exemples. Nous voulons que les élèves découvrent l’organisation des phrases, la fonction des mots, leur catégorisation… ; nous disons bien « découvrent» et pas simplement « apprennent ». Nous voulons certes, un apprentissage qui suive une progression logique allant du plus simple au plus complexe et du plus fréquent au plus rare. Mais dans le cadre de cette progression soigneusement définie, chaque leçon de grammaire s’articulera sur l’observation de phrases précisément choisies pour lui permettre de découvrir, par la manipulation et la réflexion, le fait grammatical que l’on a décidé d’étudier. Une leçon de grammaire doit être conduite dans l’esprit des « leçons de choses » ; c’est-à-dire que l’on présentera à l’attention des élèves un corpus de phrases précisément choisies pour induire des hypothèses sur le fonctionnement d’un mécanisme singulier. Dans la même logique que « la main à la pâte » pour les sciences on manipulera, on se questionnera, on proposera des explications provisoires qui constitueront une première étape d’analyse. Cette démarche au cours de laquelle chaque élève apporte sa pierre à la réflexion ne peut être fructueuse que si les corpus de phrases proposé a été intentionnellement fabriqué pour orienter l’observation, suggérer la manipulation, amener à une conclusion, à l’avance programmée. Dans tous les cas, le moteur de la démarche de découverte est la conscience claire que lorsqu’une phrase change dans son organisation, c’est le monde qui change et que bien évidemment lorsque le monde change c’est la phrase qui change.

A l’expérimentation de démontrer quels changements linguistiques déclenchent les changements dans l’image mentale.


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