Partie 2 – Comment enseigner la grammaire aux élèves


L’enseignement de la grammaire a connu les mêmes dérives que celui de la lecture : le renoncement à respecter une progression rigoureuse dans l’espoir illusoire de faire de la rencontre aléatoire des textes le déclencheur de l’observation et de l’analyse des mécanismes de la langue. Du plus simple au plus complexe, de l’image la plus concrète au concept le plus abstrait, il nous faut au contraire organiser soigneusement la découverte de la grammaire. Mais le respect d’une progression rigoureuse ne doit surtout pas nous détourner de mettre la manipulation et la réflexion au cœur de l’enseignement de la grammaire. Une leçon de grammaire ne saurait se réduire à asséner une règle et à l’illustrer par des exemples. Les élèves doivent découvrir l’organisation des phrases, la fonction des mots, leur catégorisation… ; nous disons bien « découvrir» et pas simplement « apprendre  ». Une leçon de grammaire doit être conduite dans l’esprit des « leçons de choses » en sciences,dans lesquelles l’observation et le questionnement conduisent à des conclusions toujours étayées et toujours provisoires. Deux principes doivent fonder la démarche d’enseignement de la grammaire :

Premier principe : l’enseignement de la grammaire doit accorder une claire priorité à la découverte du sens des procédures grammaticales et à la maîtrise de leur fonctionnement. Savoir nommer précisément chaque procédure (natures et fonctions des mots et relations logiques entre propositions) est une compétence qui ne sera travaillée -et il faudra qu’elle le soit- qu’une fois assurée la compréhension, du « comment cela marche ? » et du « à quoi cela sert ? ». Le soin que l’on accordera à l’explicitation du sens des mécanismes grammaticaux convaincra en effet les élèves que les « règles de grammaire « ne sont pas un ensemble de contraintes arbitraires mais qu’elles leur permettent de mettre en scène une phrase avec précision.

Second principe : il s’agit de donner en GS, CP et CE1 une priorité à la grammaire qui dessine pour réserver en CE2, CM1 et CM2 la maîtrise d’une grammaire qui argumente : nous passerons ainsi de la construction d’une image à l’articulation d’un discours.

Nous proposons donc de distinguer deux temps dans la démarche d’un apprentissage explicite de la grammaire.

  • Le premier temps est celui où l’on fait découvrir à l’élève la relation directe entre les choix d’organisation de la phrase et la construction de l’image qui leur correspond. La grammaire propose/impose en effet à celui à qui l’on s’adresse une vision singulière du monde : elle dirige et contrôle la création de son image mentale. Tout changement dans la phrase induit un changement dans l’image projetée et tout changement dans l’image exige un changement dans la phrase. Une fois assurée, depuis la Grande section de l’école maternelle, cette mise en relation entre procédures dans la phrase et rôles dans l’image, on s’attachera, à partir du CE1 sans précipitation mais avec précision, à nommer les fonctions et la nature des mots ou groupes de mots.
  • Le deuxième temps est celui où un élève apprendra à mettre en mots un discours qui ne se contente plus de faire dessiner une image conforme à ses intentions mais qui l’invite à une plus haute ambition : celle d’argumenter, d’expliquer, de convaincre. Il apprendra donc à établir des relations logiques entre les phrases afin d’exposer avec précision et… élégance ce qu’il pense d’un évènement, d’un concept, d’un projet…

1. Comprendre comment la grammaire permet de construire une image : GS-CP-CE1-CE2

Lorsque la phrase change l’image change ; lorsque l’image change, la phrase change.

De la grande section de maternelle au CE1, on organisera avec régularité des ateliers de manipulation et de réflexion qui convergent tous vers cet objectif.

Cet atelier trouve son origine dans une « aventure pédagogique » que j’avais initiée dans une classe de CP en REP plus. La maîtresse avait gentiment accepté que je lise une histoire à ses élèves. Il s’agissait du texte d’Alphonse Daudet « La Chèvre de Monsieur Seguin ». J’arrivais vers la fin de cette jolie histoire : « L'une après l'autre, les étoiles s'éteignirent. Blanquette redoubla de coups de cornes, le loup de coups de dents… Une lueur pâle parut dans l'horizon… Le chant d'un coq enroué monta d'une métairie. – Enfin ! dit la pauvre bête, qui n'attendait plus que le jour pour mourir ; le loup s’approche, les yeux luisants, la bave aux lèvres ; Blanquette tremble sur ses pattes… » Je fis alors une petite pause et j’ajoutais  : « C’est alors que la petite chèvre dévora le loup. » Étonnement des élèves ! Des murmures plutôt réprobateurs, s’élève la voix d’une petite fille :

- Qui tu as dit qui a mangé le loup ?

- moi : « J’ai dit : La petite chèvre dévora le loup. »

- Mais non ! C’est les loups qui mangent les chèvres !

- un petit garçon : « Non il a dit que c’était la chèvre Et même qu’il a mis « la chèvre » d’abord !

Avions-nous fait de la grammaire ? Oui ! Au meilleur sens du terme. Ai-je -eu recours à la nomenclature grammaticale ? Non ! j’avais simplement voulu suscité le questionnement : « QUI a dévoré QUI ? », en utilisant une astuce très simple : mettre les mots à contre-emploi. J’avais donc distribué les rôles de façon incongrue. Entre le loup et la chèvre, c’est évidemment au loup qu’aurait dû revenir le rôle de « dévoreur » et à la chèvre celui de « dévoré », mais j’avais utilisé la puissance de la règle grammaticale pour imposer, je dis bien imposer, un casting inattendu. Et les enfants ne s’y étaient pas trompés : « Tu as dit “la chèvre” d’abord ! ». Le petit garçon avait parfaitement compris qu’entre les habitudes d’un monde où ce sont toujours les loups qui mangent les chèvres et le pouvoir grammatical qui attribue à la chèvre la fonction d’agent, c’est la grammaire qui venait de l’emporter.

Cette petite expérience fut reprise dans un nombre important de classes de GS, de CP et de CE1. Menée de façon patiente et régulière, elle permet aux élèves de passer en revue les rôles respectifs des mots et des groupes de mots et de comprendre de quelle manière ils sont « grammaticalement programmés ». Un exemple entre mille qui porte sur la découverte de l’expression du lieu en cours préparatoire.

Une phrase est présentée:

Les petits poissons nagent dans la cour

La lecture de la phrase entraîne chez tous les enfants rires et questions : "Dans la cour ? Mais non, ça ne peut pas être dans la cour ! Les poissons, ça ne nage pas dans la cour ! ça nage dans la mer et même dans un bocal. L’incongruité du lieu faisant émerger, sans bien sûr nommer sa fonction, le « morceau de la phrase » qui indique ou l’évènement se passe.

La maîtresse demande alors aux élèves ce que l’on pourrait ajouter pour que la phrase devienne moins « bizarre ». Et après discussion, un élève propose :

¬ Les petits poissons nagent dans la cour inondée

Lorsqu’une phrase est véritablement inattendue, elle amène ainsi un élève à questionner son organisation. Il prendra avec le texte une distance qui va le conduire d'une part à identifier, en l'isolant, le mot ou le groupe de mots concerné, d'autre part à s'interroger sur le contenu d'une fonction bizarrement attribuée à ce mot. Il observera donc la puissance conventionnelle de l'indicateur syntaxique qui a la capacité d'imposer une fonction, certes inattendue, mais en aucun cas négociable.

On pourra ainsi, bâtir un ensemble de supports de différentes activités pédagogiques, chacune visant à ne "révéler" qu'une seule et unique relation grammaticale à la fois : QUI fait QUOI ? A QUI ? OU ? QUAND ? COMMENT? AVEC QUOI ?...

Le dessin constitue un excellent moyen de montrer comment les choix grammaticaux ont un impact sur la représentation mentale d’un élève. La seule chose importante, c’est de faire prendre conscience aux élèves que lorsque l’organisation d’une phrase change, le monde change et que lorsqu’on veut changer le monde, il suffit de transformer les phrases. On peut par exemple proposer deux phrases : « Le chat poursuit la souris »et « la souris poursuit le chat «. On demande à un groupe d’élèves de dessiner chacune des deux phrases. On engage la discussion en comparant les dessins réalisés et leurs conformités respectives aux directives grammaticales de chaque phrase. On fera de même avec trois autres phrases : « La petite fille offre des fleurs à la maitresse », La petite fille offre une orange à la maîtresse », et « la petite fille offre des fleurs à l’ogre ».

Le mime constitue complémentairement une façon de rendre compte des choix grammaticaux de manière très concrète et très dynamique. Un exemple en CE1 concernant les différentes valences des verbes :

Dans une boîte, sont placées des étiquettes sur lesquelles sont inscrits des verbes qui induisent respectivement des constructions grammaticales très différentes ; « courir » (intransitif, monovalent), « rencontrer » (transitif obligatoire, bivalent), « manger » (transitif, bivalent), « donner » ( transitif, trivalent), « être » (verbe d’état).

On constitue deux ateliers : l’un est chargé d’écrire des phrases avec un verbe tiré de la boîte ; l’autre devra mimer les phrases proposées.

Ainsi, un élève du groupe d’écriture tire le verbe « apporter ». Le groupe propose la phrase « le loup apporte une glace au petit chaperon rouge ». Le groupe de mime va alors tenter de représenter l’expérience évoquée.

L’objectif est de mettre en rapport la structure de la phrase (sujet+verbe+COD+COS) et les personnages et objets réunis par le mime. Pour un verbe comme « manger », le mime mettra en évidence que seul un personnage et un objet sont impliqués. Avec « courir, l’objet disparaît. Au fil des ateliers les élèves se rendront compte que les verbes de types différents entraînent des constructions grammaticales différentes chacune correspondant à une réalité concrète particulière.

Les ateliers de commutation ont pour objet de démontrer que les choix de chaque mot ou groupe de mots est effectué dans un cadre grammatical spécifique. On choisit un personnage pour être sujet ou pour être objet, on en fait un destinataire ; on sélectionne un lieu pour être le cadre d’une action… On distinguera deux temps dans la commutation.

Le premier consiste à changer un mot ou un groupe de mot afin de montrer que chacun apporte un sens particulier qu’un autre n’apporterait pas mais aussi que l’un et l’autre jouent le même rôle dans la construction de l’image mentale. Ainsi, effectuer dans la phrase « la petite fille mange une banane » la commutation de « petite fille » par « le singe », montre à l’élève que l’agent a changé mais que l’un comme l’autre assume la responsabilité de l’action. Même chose si l’on commute « banane » et « pomme ». Le principe de la commutation, c’est que l’on ne change qu’un élément de la phrase, tout restant égal par ailleurs.

Le second consiste à commuter ce que l’on appellera des « indicateurs de fonction » ; c’est-à-dire des prépositions. « Poser quelque chose sous la table » n’est pas « le poser derrière la table », non plus que sur la table. « Marcher dans la forêt « n’est pas « marcher vers la forêt ».

La comparaison entre les changements dans l’image proposée aux élèves et ceux que l’on remarque dans la phrase sera évidemment à la base de la réflexion collective.

Les ateliers de permutation ont pour finalité de montrer que la langue française a choisi de distinguer le rôle de l’agent et le rôle de patient en utilisant la position respective du sujet et de l’objet de part et d’autre du verbe. Fidèle à notre principe, on commencera par faire identifier le rôle des mots : celui qui fait l’action et celui qui la subit avant de nommer les fonctions de sujet et d’objet. La pré-position d’un mot ou groupe de mot lui attribuant la responsabilité de l’action, la post-position la lui faisant subir. On ne se privera pas de recourir aux « phrases rigolotes » pour mettre en évidences ces deux fonctions. « Le lion attrape le rat » et « le rat attrape le lion ».

Les ateliers d’expansion ont pour objet de montrer aux élèves comment se développe une phrase et comment chaque fois que l’on ajoute un mot ou un groupe de mots dans une fonction particulière, on transforme la réalité à laquelle la phrase correspond. Il s’agit là sans doute d’un des ateliers les plus productifs en termes de manipulation : la mise en rapport systématique entre les différents stades du développement de la phrase et l’enrichissement progressif de sa représentation sont pour certains élèves l’occasion d’une véritable découverte.

On présente aux élèves (CP/ CE1) le dessin de la tête d’un loup dessinée au trait. On pose la question : « qu’est-ce que c’est ? » : « un loup ! ». On met le dessin au tableau (ou on le projette) et on écrit dessous « un loup ».

On a préparé le même dessin que l’on a colorié en jaune. Même question : qu’est-ce que c’est : « un loup jaune ». On place le dessin au tableau à la suite du premier et l’on écrit « un loup jaune. On demande aux élèves de dire ce qui a changé dans l’image et ce qui a changé dans la phrase.

Nouveau dessin le loup, toujours aussi jaune, s’est mis à courir. Même démarche qui permet de formuler ce qui a changé dans le comportement du loup et ce qui est apparu dans la phrase.

Enfin on fera courir le loup dans la forêt et dans un dernier élan, on précisera que c’est la nuit qu’il court dans la forêt.

Cette forme de manipulation permet de passer en revue le sens de toutes les fonctions et de pouvoir alors commencer à les nommer de façon explicite.

Toutes les activités d’atelier auront en commun de ne jamais asséner une règle mais de privilégier des « leçons de choses » de la grammaire et donc la découverte plutôt que la soumission aveugle à la règle.

  • Apprendre à classer en grandes catégories les éléments du monde

Dès la GS et le CP, nous partirons d’un mot et nous poserons successivement quatre questions ; chacune d’elle permettant de constituer un ensemble de mots qui partagent la même caractéristique : les actions, les êtres vivants (animés), les objets (inanimés) et les qualités (formes couleurs, matières).

On s’appuiera, par exemple sur le mot « forêt ».

- La première question peut être : « QUI vit ou qui rencontre-t-on dans la forêt ? ». Les propositions fusent, alimentées par les apports de l’enseignant : les chasseurs, les loups, les lapins, les promeneurs...On garde précieusement les mots en les mettant dans un même ensemble : les animés

- Une deuxième question ouvre le jeu : « Que trouve-t-on dans la forêt ? » ; des arbres, des champignons, des rochers, de la mousse…. Deuxième ensemble : les inanimés

- Troisième question : » que peut-on faire dans la forêt ? » : on se promène ; on grimpe, on se cache…. Troisième ensemble : les actions

- Quatrième question : « ça peut être comment une forêt ? « «  C’est vert, sombre, effrayant immense…. » Quatrième ensemble : les qualités

On examine alors les contenus respectifs de chacun des quatre ensembles et on s’interroge collectivement sur ce qui justifie ces regroupements en se demandant ce qu’ont en commun les mots qui respectivement les composent. Cette phase où l’élève perçoit comment le langage organise le monde pour mieux le mettre en mots est un préalable très utile à l’enseignement des natures des mots : noms, verbes, adjectifs.


  • Expliciter et nommer la nature des mots

Noms, verbes et adjectifs regroupent respectivement des mots dans des ensembles qui, comme nous l’avons vu précédemment, possèdent ce que nous pourrions appeler un « ADN sémantique » particulier. Les verbes réfèrent pour l’immense majorité sinon à des actions du moins à des processus. Les noms renvoient à des animés et à des inanimés ; mais aussi à des concepts. Les adjectifs évoquent qualités ou défauts mais aussi propriétés. Mais outre cette communauté de référence, les noms ; les verbes et les adjectifs ont chacun un comportement particulier dans une phrase qui contribue à leur identité formelle (accords, conjugaison…). Les ateliers « nature des mots » jouent donc sur les deux tableaux : découvrir une communauté de signification pour chacune des natures de mots et remarquer les spécificités formelles des mots appartenant à chacun des ensembles. On procédera à différentes »révélations » :

Découvrir que certains noms se dessinent et d’autre pas : les élèves voient, qu’outre les animés et les inanimés, la catégorie des noms contient des concepts comme la peur, la liberté et la colère qu’un dessin ne peut que suggérer et un symbole évoquer sans véritable certitude.

Découvrir que tous les noms sont le plus souvent précédés d’un petit mot comme « le », « un », « ce »,…

Découvrir que tous les noms ou presque peuvent être présentés en une seule unité ou dans une pluralité. On remarquera que des marques spécifiques l’indiquent

Découvrir que tous les noms se distribuent en deux ensembles : ceux qui sont accompagnés de « la » ou « une » et ceux qui sont accompagnés de « un » ou « le » ; genre féminin et genre masculin. Faire remarquer que cela n’a rien à voir avec les hommes et les femmes, les mâles et les femelles.

Découvrir que certains verbes renvoient à une action visible (courir, sauter…) et d’autres à des comportements moins évidents (penser, mentir, douter, croire…). Dans tous les cas, ils montrent tous un processus en train de se dérouler. Même un verbe comme « dormir », qui ne décrit pas véritablement une action, montre une évolution : « on s’est endormi, on dort et on se réveille ».

Découvrir que certains verbes ne décrivent pas un développement avec un début et une fin possible. Ils évoquent un état : état de tristesse de joie, de fatigue… Le verbe être en est le meilleur exemple. Mais il ne faut pas oublier « devenir », sembler…

Découvrir que tous les verbes se conjuguent et s’accordent c’est à dire changent de forme en fonction de qui fait l’action. On remarquera que si la terminaison change, le « corps du verbe est constant.

Découvrir que les adjectifs qualificatifs servent à apporter à un animé ou à un inanimé une qualité particulière qui le caractérise ou le définit (caractéristique ponctuelle ou propriété)

Découvrir que les adjectifs qualificatifs s’accordent en genre et nombre avec le nom qu’ils définissent. Ces accords peuvent parfois s’entendre et parfois sont muets.

Découvrir comment la grammaire tisse le vocabulaire : On fera découvrir aux élèves dès le CE2 qu’une très grande partie de notre vocabulaire est issue de la transformation de mots existants par suffixation, préfixation ou composition. Ils verront que le français atténue ainsi la « brutalité » de l’arbitraire du signe en dévoilant les secrets de la fabrication de ses vocables : cela s’appelle la « morphologie » (de morpho, forme et -logie, étude). Ainsi quand un élève se pose la question : « pourquoi opération ? », le français lui répond : « parce que opérer  » au lieu de nous assener : « parce que c’est comme cela ! ». La régularité visible de la construction des mots français donne à notre lexique une profondeur de champ et une cohérence à nulles autres pareilles. Par manipulations successives, ils se familiariseront avec une opération majeure de filiation des mots: la dérivation. Elle leur permet de composer des familles de mots. Chaque famille correspond à un même radical. Ce dernier peut être stable mais peut aussi changer selon le suffixe qu’on lui adjoint. Ainsi, ils retrouveront le radical « plat » dans  plateau », platitude », « aplatir », sans changement (ce qui explique la consonne muette finale /T/). Alors que « aube » donne « aubépine » mais aussi « albâtre », avec une légère modification du radical, mais un sens étymologique bien présent dans tous les mots de cette famille : l’aube est le moment où le soleil blanchit l’horizon ; l’aubépine et l’albâtre sont de couleur blanche. La dérivation permet ainsi, tout en restant dans le même univers de sens, de changer la nature d’un mot : fabriquer des verbes, des noms, des adjectifs ou des adverbes. Ainsi, d’un verbe il peut faire un nom : opérer-opération ; repérer-repérage, blesser-blessure, baigner-baignade, vieillir-vieillissement, agir-action, allier-alliance, admirer-admirateur, bouillir-bouilloire… D’un adjectif il fera un nom : délicat-délicatesse, Italie-italien, veine-veinard, beau- beauté. D’un nom il fera un verbe : bosse-bosseler, mouche-moucheter, goudron-goudronner,…

Il pourra aussi transformer un mot en ajoutant un élément en son début. On appelle cet élément un préfixe. On lui apprendra que la plupart des préfixes nous viennent du grec, mais certains aussi du latin. A la différence des suffixes, ils changent rarement la nature d’un mot : un nom reste un nom. Ainsi, avec le préfixe latin « ab » et le verbe « tenir », et il « obtiendra »  le verbe « s’abstenir». S’il utilise le préfixe « anti » qui, lui, vient du grec, il le trouvera dans antibiotiques ou « antidote ». Avec le préfixe latin « con » ou « com » ou « col » il pourra fabriquer « compagnon », « collègue » ou « commère ». Enfin, pour désigner des problèmes de lecture ou de calcul, c’est au préfixe « dys » qu’il lui faut faire appel pour la dyslexie ou la dyscalculie


  • Expliciter et nommer la fonction des mots(CP-CE2)

Découvrir l’opération de détermination 

Cette opération est au cœur même de la grammaire. Il convient donc d’expliquer aux élèves à quoi elle sert et comment la grammaire la met en œuvre.

La détermination permet de guider et de contrôler la représentation d’un mot en précisant à l’auditeur et au lecteur comment le dessiner. Ce n’est pas n’importe quel « chapeau « dont on lui parle mais d’un « chapeau noir, à plumes, de paille, de mon père ou encore que j’ai trouvé dans une poubelle ». Celui qui parle ou écrit tient ainsi la main de son auditeur/lecteur pour que l’image dessinée soit conforme à celle qu’il a dans sa tête. On fera donc comprendre à un élève que déterminer un mot c’est donc intervenir sur la construction de sa représentation et on lui fera découvrir les différents moyens de déterminer un nom.

On commencera par l’adjectif épithète en montrant les modifications que cette fonction impose à l’image. Puis on passera au nom complément de nom en faisant remarquer que parfois ce complément influence directement l’image (la maison de paille) et parfois ne donne qu’une information supplémentaire ; ainsi « la maison de ma grand-mère », ne suggère en aucun cas la présence d’une grand-mère dans l’image. Enfin on lui présentera la subordonnée relative en lui faisant comprendre que c’est une autre façon de donner des informations sur un nom. Dans un premier temps on présentera la proposition relative dans son entier en montrant bien la précision qu’elle apporte au nom qu’elle détermine (j’ai vu une voiture qui volait). La notion de pronom relatif et d’antécédent viendra plus tard de même évidemment que la « relative de causalité »(les enfants qui étaient effrayés s’enfuirent à toutes jambes ») qui attendra sagement le cycle 3.

Découvrir Le sujet, l’objet et le COI :

ces trois fonctions sont celles qui sont au centre de la « mise en scène » dans la phrase simple.

Le sujet est absolument indispensable quel que soit le verbe auquel il se rapporte. Le complément d’objet direct n’apparaît que si le verbe le permet (« manger ») ou l’impose (« rencontrer »). Le complément d’objet indirect, pour sa part, n’est possible qu’avec un nombre restreint de verbes (verbes de « dire » et de » don »).

On fera en sorte que les élèves comprennent bien ce que chacune de ces trois fonctions apporte en termes de représentation : les ateliers tels que la permutation, l’expansion, de même que l’usage des dessins et des mimes seront extrêmement utiles. Il faut en effet veiller à ce que les élèves comprennent bien la signification des fonctions avant de montrer comment la grammaire les met chacune en œuvre (antéposition, postposition, usage de la préposition « à » et « de ». Ce n’est qu’après que les élèves apprendront à les nommer justement.

Distinguer la fonction épithète de la fonction attribut

Après avoir rassemblé dans un même ensemble les adjectifs qualificatifs, on montrera aux élèves qu’ils peuvent remplir deux fonctions distinctes :

Ils sont épithètes lorsqu’ils déterminent directement un nom ; ils font alors partie d’un même groupe de mots (j’ai acheté une nouvelle chemise). On montrera par des manipulations qu’ils s’accordent avec le nom qu’ils déterminent.

Ils sont « attribut » lorsqu’ils sont précédés des verbes « être », « sembler » … et permettent de construire une phrase complète commençant par une majuscule et se terminant par un point (Ma chemise est rouge »).

Distinguer l’attribut du complément d’objet direct. Bien des élèves ont tendance à confondre ces deux fonctions. Cela s’explique par le fait que, pour certains, l’une comme l’autre peut répondre à la question « QUOI ? ». (« J’ai acheté quoi ? Une maison »; « ma maison est quoi ? Rouge »). La meilleure façon de faire distinguer aux élèves un attribut d’un COD, c’est de leur faire voir que le COD apparaît concrètement dans une image alors que l’attribut se confond avec la représentation du sujet. « La maison est rouge « montre un seule élément : une maison d’une certaine couleur ; alors que « Pierre mange une pomme » fait distinctement apparaître un personnage et un objet liés par une action.

Découvrir les compléments circonstanciels

Les élèves, à travers les différents ateliers précédemment décrits, ont vécu la mise en scène des participants à l’action portée par le verbe : l’agent, le patient et le destinataire. Ils ont ainsi appris à nommer les différentes fonctions qui correspondent respectivement à chacun de ces rôles. La mise en scène d’une phrase ne saurait cependant être aboutie si elle ne se donnait pas un décor temporel et spatial qui l’actualise. Ce sont les compléments circonstanciels qui actualise ces cadres. Il faut donc mettre en œuvre des ateliers qui permettront aux élèves de percevoir la signification des différents compléments circonstanciels et de maîtriser les mécanismes grammaticaux qui les portent.

  • Les ateliers explicitant le lieu :

Fidèles à notre démarche on fera découvrir le sens du complément (le groupe de mots qui dit OÙ ?). On procédera alors à la commutation de la préposition qui gère le complément de lieu ( « dans », « vers », « sur », « sous », « devant, derrière », « à », « de »…), en faisant remarquer à chaque fois les modifications obtenues dans l’image. On pourra faire remarquer que l’on peut remplacer le groupe complément circonstanciel de lieu par un mot qui est certes moins précis mais qui donne des informations utiles sur le lieu : « là », « ici », dehors », « dedans », au-dessus… Ces mots ont pour noms les adverbes de lieu. Ce n’est donc qu’après avoir bien identifié l’apport du groupe circonstanciel et des adverbes en termes de compréhension, que l’on apprendra à en nommer la fonction : complément circonstanciel de lieu.

  • Les ateliers explicitant le temps :

Priorité sera toujours donnée à la découverte du sens des fonctions avant d’expliciter leurs mécanismes et leur nomination.

 On identifiera le groupe de mots qui répond la question « Quand », « Pendant combien de temps »… On fera identifier par commutation la préposition qui gère ce groupe (« dans », « en », « au », « pour », « pendant »…) en montrant ce que chacune apporte à l’indication du temps de l’action. On dira alors que les groupes ainsi constitués s’appellent des compléments circonstanciels de temps.

On fera remarquer que les groupes de mots précisant le cadre temporel peuvent être remplacés par un seul mot : « auparavant », « jadis », « demain », « hier », « plus tard », « longtemps », « maintenant »… Ce sont « les adverbes de temps » qui occupent eux aussi la fonction de circonstanciel de temps.

  • Quand s’efface le temps et le lieu

La grammaire, par sa gestion des circonstances, permet aussi de formuler des lois universelles qu’elle libère des ancrages temporels et spatiaux. Elle dégage ainsi la formulation de la vérité des contraintes du « ici » et « maintenant » pour lui faire atteindre le « partout » et le « toujours ». La formulation de la loi de la gravitation universelle selon laquelle « deux corps quelconques s’attirent avec une force proportionnelle au produit de leur masse et inversement proportionnelle au carré de leur distance », s’impose aussi bien au caillou que je lâche qu’à la force qui maintient la lune en orbite autour de la terre. Elle sera vraie aujourd’hui, elle l’était hier et le sera encore demain. Elle l’est ici et ailleurs.

Il convient de bien montrer aux élèves dès le cycle 3 la différence entre un récit circonstancié et un discours d’explication scientifique qui refuse les ancrages de temps et de lieu. On mettra donc en œuvre des ateliers de compréhension de textes proposant alternativement le questionnement de textes narratifs et de textes explicatifs et argumentatifs. On montrera bien le rôle joué par les informations de temps et de lieu dans les premiers et leur effacement dans les seconds («  hier, j’ai fait bouillir de l’eau dans la cuisine et je me suis brûlé » et « l’eau bout à 90 ° »).

  • Les ateliers explicitant la manière :

Les circonstances de lieu et de temps actualisent donc l’action en lui donnant un cadre spatial ou temporel. Il est un autre type de circonstance qui permet d’indiquer la manière dont une action se développe. Il est bon de pouvoir dire du chien qu’il court ; il est aussi utile de pouvoir exprimer qu’il court vite, lentement avec difficulté ou avec élégance. On fera donc découvrir comment ces compléments circonstanciels de manière « modulent » l’action qu’exprime le verbe en faisant commuter le complément circonstanciel de manière. L’élève verra aussi que les groupes compléments circonstanciels de manière peuvent être remplacés par un mot unique que l’on appelle adverbe de manière et dont la fonction est la même. On pourra utilement faire remarquer que ces adverbes sont très souvent formés sur la base d’un adjectif et se terminent par « -ment ».

On pourra enfin s’interroger avec les élèves sur le mot « circonstances » en expliquant qu’il s’agit bien de donner un cadre particulier à une action : elle se passe dans tel endroit et pas un autre, elle se déroule à tel moment et pas à un autre, elle se déroule de telle ou telle façon.


2. Comprendre comment la grammaire permet de construire un texte ou un discours : de la chronologie à la logique CE2-CM1-CM2

Nous avons vu que la première mission de la grammaire consistait à rassembler des mots, et à attribuer à chacun des fonctions spécifiques dans une phrase afin de construire une réalité cohérente. Mais la grammaire ne se contente pas de construire des phrases qui se succéderaient les unes aux autres. Elle permet aux utilisateurs du langage d’établir des relations entre ces phrases. Ces relations peuvent organiser les évènements d’un récit sur l’axe du temps (d’abord, puis, enfin) ou permettre à celui qui parle ou écrit d’articuler son discours en choisissant la meilleure façon d’expliquer ou de convaincre. Dans l’un et l’autre cas, l’enseignement de la grammaire dépasse le simple dessin d’une image mentale pour proposer à son interlocuteur de partager une organisation singulière de sa pensée.

Ainsi, dans la phrase « Les méchants lutins ont enfermé la princesse dans une caverne profonde, le roi et le prince sont venus la délivrer », deux ensembles, chacun regroupé autour d’un verbe (« enfermer » et « venir »), se succèdent dans la même phrase. Leur succession indique que les évènements évoqués respectivement par l’un puis par l’autre se produisent l’un après l’autre sur l’axe du temps : la séquestration d’abord puis la délivrance. Si l’on prononce, en revanche, la phrase suivante « Les chiens aboient, la caravane passe », composée de deux ensemble réunis autour des verbes « aboyer » et « passer ». Nous avons là deux propositions ; « les chiens aboient » et « la caravane passe ». Aucun mot ne relie ces deux ensembles ; et cependant, on perçoit parfaitement qu’une relation particulière les met en relation. En l’occurrence, la phrase peut signifier que « bien que les chiens aboient, la caravane passe tout de même ». Mais on pourrait aussi comprendre que « c’est parce que la caravane passe que les chiens aboient » ou que » les chiens aboient quand la caravane passe ». On voit bien que l’absence de lien explicite (« bien que », « parce que », « quand »…) n’empêche certes pas la mise en place d’une relation logique, mais elle la rend beaucoup moins précise. Expliquer et argumenter exigent en effet que l’on puisse établir des relations de conséquences, de causes, de concession… entre idées. Il faut donc qu’un élève maîtrise linguistiquement les outils de la déduction ou de l’induction, à la fois pour convaincre mais aussi pour analyser et résister.

  • Quand l’ordre des phrases porte l’ordre des évènements (« et puis, et puis, et puis… » CP-CE1:

On propose aux élèves la suite de phrases suivante : « Le bandit arrive en voiture, rentre dans la banque, tire un coup de feu en l’air, demande au directeur d’ouvrir le coffre, puis il met les billets dans un sac, sort de la banque, monte dans la voiture et s’enfuit ». On aura préparé neuf images, chacune représentant une des neuf phrases qui se succèdent. On demande aux élèves de les disposer de mémoire comme dans l’histoire. L’intérêt n’est pas simplement de faire juste ou faux ; ce qui compte c’est la discussion qui s’engage et les arguments développés. La question « est ce qu’on pourrait changer l’ordre des phrases ? » est toujours intéressante.


  • Le flash-back

Reprenons la suite des neuf phrases précédentes et ajoutons à la fin « Il avait reçu la veille l’arrêté d’expulsion de son appartement ». On demandera au élèves quand se situe l’évènement évoqué par cette dernière phrase. Comment sait-on le moment où est arrivé la lettre d’expulsion ? Est-ce que cela a quelque chose à voir avec le braquage de la banque ?


  • De la chronologie à la logique, il n’y a qu’un pas

Dans la phrase « il est arrivé et il est reparti tout de suite », la relation entre les deux propositions est délicate à définir. Si les deux pronoms « il » réfèrent au même personnage, on en déduira que la relation est simplement chronologique (il arrive puis il s’en va). Si par contre, chaque pronom renvoie à un personnage particulier, alors la relation est de l’ordre de la causalité ou de la conséquence (Il est reparti tout de suite parce que l’autre est arrivé).

L’usage pertinent des connecteurs qui relient propositions et phrases, est d’une grande utilité pour les élèves. Non seulement parce qu’ils leur permettent de défendre leur point de vue mais aussi parce qu’ils les autorisent à analyser, voire à critiquer celui des autres. Dès le CE1, l’élève va ainsi devoir apprendre, progressivement, à articuler un discours narratif ou explicatif en établissant d’abord des relations chronologiques entre les événements qu’il rapporte puis les liens logiques entre les arguments qu’il défend. La maîtrise de la logique argumentative est un long chemin sur lequel on doit l’accompagner explicitement. Dans cette perspective, la lecture à haute voix, régulièrement offerte, de textes explicatifs est essentielle, à condition, bien sûr, qu’elle soit suivie d’un questionnement commun qui révèle le déroulement des articulations de l’explication.

Il découvrira que des connecteurs marquent des relations très variées qui permettent d’évoquer une vaste palette de relations logiques entre ses arguments  : le but (« La providence a mis du poil au menton des hommes pour qu’on puisse les distinguer des femmes ») ; la conséquence (« Tant va la cruche à l’eau qu’à la fin elle se casse ») ; la cause (« Une chose n’est pas juste parce qu’elle est la loi. Mais elle doit être la loi parce qu’elle est juste ») ; la comparaison (« Comme on fait son lit on se couche ») ; la concession (« L’art de plaire est plus difficile, quoiqu’on en pense, que l’art de déplaire ») ; la condition (« Si ma tante avait été un homme, elle serait mon oncle »)


  • On apprendra aux élèves dans un premier temps à rassembler les connecteurs qui portent le même type de relation : cause, but, conséquence, concession

On pourra disposer cinq boîtes et dans chacune d’elles on mettra les étiquettes des connecteurs exprimant la même relation logique.

  • Connecteurs exprimant la cause: car, en effet, parce que, puisque, comme, c’est pourquoi
  • Connecteurs exprimant le but: afin que, pour que
  • Connecteurs exprimant la conséquence: donc, ainsi, c'est pourquoi, si bien que, de sorte que, du coup...
  • Connecteurs exprimant l'opposition ou la concession : mais, or, pourtant, cependant, bien que, même si, néanmoins, pourtant
  • Connecteurs exprimant la condition : si, à la condition que

On présente alors une série de phrases qui comportent chacune un « trou » qu’il faut combler avec un des mots choisis dans une des boîtes. On cherchera à utiliser le plus grand nombre de mots possibles de chaque boîte en essayant de remplacer une étiquette par une autre tirée de la même boîte.

Par exemple : « J’adore le soleil, ………………… je déteste la forte chaleur. » ou encore « La petite fille marchait ………… Le loup surgit » ou encore « la petite fille courait de toutes ses forces ………. Le loup la poursuivait » ou « La petite fille courait de toutes ses forces ………. Le loup ne la rattrape pas ».

C’est la régularité de ces jeux logiques qui donnera à un élève finesse et habileté.

L’important n’est pas de « tomber juste », mais de justifier et de discuter ses choix, en montrant comment des connecteurs différents apportent le même type de relation logique.


  • On pourra aussi constituer des binômes au sein desquels un élève lit une phrase terminée par un connecteur et ou un autre élève doit la terminer de façon satisfaisante

Ainsi il est écrit : « La pluie tombe parce que… » puis « la pluie tombe mais… » puis « la pluie tombe donc… ». On doit compléter mais surtout justifier la pertinence du complément.

De même :

Si on lâche une pierre, ….

Si on jette une pierre en l’air ….

Je me suis caché pour que …

Je me suis caché parce que…

Puisque tu ne veux pas venir ….

J’ai tout avoué parce que… ; J’ai tout avoué pour que … ; Bien que j’ai tout avoué… »


  • On pourra enfin proposer de compléter une argumentation dont on aura balisé les articulations logiques

Ainsi on tentera de bâtir un discours à propos de l’affirmation : « la richesse est source du bonheur »

  • Introduire le premier argument: Tout d'abord - En premier lieu - Pour commencer...
  • Ajouter un argument: Ensuite - Puis - De plus - En outre - Dans un deuxième temps...
  • Ajouter un argument contraireau précédent : Cependant - Néanmoins - Pourtant - En revanche...
  • Introduire un exemple: Ainsi - En effet - Par exemple...

Conclure le discours : Pour conclure - En somme - Finalement...


3. Comprendre comment et pourquoi la grammaire construit la chaîne des accords dans la phrase

Un nom est nécessairement soit masculin soit féminin (genre) ; on peut choisir de le mettre au singulier ou au pluriel (nombre). Genre et nombre sont deux mécanismes grammaticaux de natures très différentes.

Le français possède deux genres, l’un est dit masculin, l’autre est dit féminin. Il s’agit bien de genre grammatical et non pas de référence au sexe de l’être ou… de l’objet représenté. En effet, pourquoi une girafe et un crocodile, une maison ou un immeuble… ? La distinction de genre signifie tout simplement que les noms sont en français distribués en deux ensembles, l’un qui exige par exemple l’article « la » ou « une » ; l’autre qui impose « le » ou « un ». Le sens des noms ne permet pas, dans la plupart des cas, de prédire à quel ensemble ils appartiennent. Ainsi qui pourrait dire pourquoi « clé », « serrure » et « porte » sont de genre féminin alors que « porche », « verrou » et « arbre » sont de genre masculin : il est clair que leur distribution est la plupart du temps arbitraire, même s’il est vrai que les noms qui réfèrent à des êtres de sexe femelle appartiennent au genre féminin (une vache), tandis qu’inversement ceux qui renvoient à un être de sexe mâle sont de genre masculin (un cheval). Lorsque l’on parle on ne choisit donc pas le genre d’un nom ; on choisit un nom et ce choix impose automatiquement un type d’accord masculin ou féminin.

Le nombre, lui, contrairement au genre est un choix libre qui ne dépend pas (dans l’immense majorité des cas sauf « ténèbres » et quelques autres) du nom sélectionné. En bref, un nom quel que soit son sens peut être utilisé au singulier ou au pluriel et référer ainsi à une unicité ou à une pluralité. Ainsi « un lapin » (pas plus d’1) s’oppose à « des lapins » ( 2, 3….). C’est par le dessin ou le mime que l’on fera vivre dès le CP à un élève le concept de singularité ou de pluralité. On notera que certaines langues africaines ont une marque pour 1 ; une autre pour 2 et une autre encore pour plus de deux. On appelle cela le régime duel.

Le genre et le nombre du nom déterminent les marques des accords qu’il impose au verbe, à l’attribut, à l’épithète ou à son déterminant. Les marques d’accords parfois s’entendent (Les autres enfants) (les petites ombrelles), (ils arrivèrent). Parfois elles ne s’entendent pas, mais se voient (les jolies filles), (ils chantent).

Nous avons vu que la mission essentielle de la grammaire était de mettre ensemble des mots soumis par la nature même du langage à une succession inéluctable. Mais pour que cette construction soit réussie, il faut encore que l’on sache associer justement le nom sujet au verbe auquel il se rapporte et l’adjectif au nom qu’il détermine. En bref si l’on veut que le sens construit par l’auditeur ou le lecteur corresponde à l’intention de celui qui parle ou écrit, il faut pouvoir indiquer précisément quel mot « va » avec quel mot. C’est cette fonctionnalité de l’accord en genre et nombre qu’il faut clairement faire comprendre aux élèves

A titre d’illustration, proposons à des élèves de CE2 l’exemple suivant :

Je découvris une maison de pierres blanches qui scintillaient au soleil

Je découvris une maison de pierres blanches qui scintillait au soleil

La question est : « qu’est ce qui scintillait ? ». Dans la première phrase l’accord pluriel du verbe marque immédiatement la relation avec le sujet de la phrase « pierres blanches ». Dans la seconde, la marque de singulier désigne sans ambiguïté la relation avec « maison ».

Appelons les à examiner à présent les trois phrases suivantes :

« L’homme portait un pantalon et une chemise blanche » / « L’homme portait un pantalon et une chemise blancs »/ « L’homme portait une chemise et un pantalon blanc ».

Si, pour chacune des trois phrases, nous tentons de répondre à la question : « Qu’est ce qui est blanc ? » nous voyons que la reconnaissance de relations dépend largement des accords de genre et de nombre qui relient l’adjectif à l’un des deux noms ou aux deux à la fois.

La chaîne des accords permet souvent de lever l’ambiguïté lorsque l’on doit identifier le nom qu’un pronom représente. Ainsi :

« Regarde ce type et cette fille ! C’est bien elle qui m’a volé mon portefeuille/ C’est bien lui qui m’a agressé/ ce sont eux qui m’avaient suivi. »

Et pour finir, avec des élèves plus grands, proposez cet exemple qui montre la pertinence de l’accord masculin ou féminin qui permet de distinguer une déclaration d’amour posthume et un mauvais sort.

« LA MORT DE L’HOMME QUE J’AI TOUJOURS DESIRE(E) »


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