Affronter la distance du livre : La MAL

Lorsque vous insistez pour faire entrer vos élèves dans un texte de plus d’une page, vous les entendiez-vous dire : « C’est trop long, je n’arriverai jamais au bout ». Ils sont exténués avant d’avoir commencé à lire la première page. Ils sont terrifiés à l’idée d’affronter une distance que même l’album de jeunesse leur promet longue et fatigante. Ils sont enfin submergés par l’angoisse de ne pas y arriver et de s’effondrer pitoyablement devant celui ou celle dont ils voulaient l’estime. Une des principales difficultés d’un nombre important de « peu-lecteurs » est donc qu’ils n’ont pas les moyens et… le courage d’affronter LA DISTANCE. Ils constituent plus de 30% de vos élèves.

Les recherches expérimentales les plus récentes montrent clairement que ce qui handicapent véritablement les lecteurs peu aguerris c’est bien l’incapacité et la crainte d’affronter une distance de lecture dépassant 4 à 5 pages. En d’autres termes, l’inégalité majeure est aujourd’hui celle qui sépare des lecteurs formés à l’endurance de ceux qui ne le sont pas. Les premiers sont capables de dépasser sans difficulté et sans peur la limite des courts extraits scolaires. Les seconds, effrayés par la perspective de lire plusieurs dizaines de pages, ou trop vite épuisés par une lecture laborieuse, renoncent à toute lecture longue et abandonnent dès les premières pages. Ces jeunes ou moins jeunes qui ne souffrent d’aucune forme de dyslexie mais qui n’ont pas été suffisamment entraînés à l’endurance forment ce que l’on appelle la population des « peu-lecteurs. Certaines recherches récentes identifient leurs limites de lecture à une page et demi maximum. Si les personnes en situation d’illettrisme représentent environ 8% de la population, les peu lecteurs dépassent vraisemblablement les 35%. Ceux-là n’ouvriront jamais un livre et seront ainsi exclus de notre patrimoine culturel.

L’idée qui fonde la MAL est en fait assez proche de l’entraînement progressif d’un apprenti coureur à pied. Dans la même perspective, l’idée est en effet de « tirer » le « peu-lecteur » vers une lecture de plus en plus longue en lui proposant une alternance, adaptée à ses capacités, de plages de lecture autonome et de plages d’écoute du texte. En d’autres termes, au moment où il sent sa lecture s’essouffler, il clique pour appeler à la rescousse l’audio ; jusqu’à ce qu’il se sente suffisamment prêt pour reprendre lui-même sa lecture personnelle. Le but n’est évidemment pas d’installer le peu- lecteur dans le confort d’une alternance statique entre les plages d’écoute et celle de lecture mais au contraire de l’inciter à « grignoter « progressivement des pages de plus en plus nombreuses du livre. En d’autres termes il faut faire en sorte que l’alternance écoute/lecture l’entraîne à développer une capacité d’endurance de plus en plus forte. La Machine à lire cultive en effet l’ambition et le dépassement mais c’est le plaisir que l’utilisateur découvrira au bout de l’effort raisonnable qui lui est imposé. Ainsi, il sait qu’à la fin du livre le rapport entre lecture et écoute doit être, selon le niveau défini de 60% ou de 70% et pour certains de 80%. Un dispositif lui permet de suivre et d’évaluer ses performances de lecture et de mesurer ses progrès, pour relever au prochain livre un défi encore plus haut.

En utilisant la Machine à Lire dans les lycées professionnels, nous montrerons ensemble que le désir et l’envie de lire un livre ne sont pas un don ou un goût dont certains seraient privés par décision divine ou injustice génétique.

 

Retour