On anticipe ?

Hier, mon copain Théo n’était pas content en sortant de l’école.

Comme c’est mon copain, je lui ai dit « Dis-moi, Théo, t’as pas l’air content !

–     Ben non, qu’il me répond, la maitresse, elle nous raconte des trucs bizarres !

–     De quoi me parles-tu ? » que je lui dis.

Et là, mon Théo, il est parti dans une grande explication où j’ai compris qu’il n’était pas content parce que la maitresse nous avait parlé des choses qu’on doit anticiper.

« ANTICIPER ! Anticiper ! qu’il me dit, Mais qu’est-ce que ça veut dire ANTICIPER ? !!… »

Alors là, je me suis gratté la tête en me disant savamment : « Mais comment vais-je faire pour le calmer, mon Théo ? »

Je lui dis : Écoute, Théo, c’est pas difficile, je vais prendre un exemple : quand tu vas à la piscine, tu prends tes affaires pour nager, non ? Quand on va au stade, tu prends tes baskets et ton short, non ? Tu vois : tu anticipes ! Bon, ben quand tu es en classe, c’est pareil. Quand la maitresse nous dit : « Aujourd’hui, on va faire une activité d’anticipation. », eh bien, tu anticipes !

–     Facile ! Tu anticipes ! Mais ça veut dire quoi, qu’il me répond, toujours aussi contrarié.

–     Ça veut dire que tu réfléchis à ce que tu vas faire pour être prêt, ça veut dire que tu écoutes ce que la maitresse nous dit quand elle dit que la langue de la vipère n’est pas dangereuse, et puis, quand tu lis le texte sur la vipère, tu cherches à savoir si la langue de la vipère est dangereuse ou pas. C’est le texte qui te le dira. Tu lis et tu sais que tu cherches quelque chose. Elle te donne des idées sur ce que tu peux chercher dans le texte. Tu vois, c’est même vachement bien, la maitresse, elle est drôlement sympa, elle nous prévient. En quelque sorte, elle nous dit que le texte est utile parce qu’on va savoir en lisant si la langue de la vipère est dangereuse ou pas, et d’autres choses encore.

–     Bon, d’accord, qu’il me dit, mon Théo, moins fâché mais toujours perplexe. Et à quoi ça sert de savoir si la langue de la vipère est dangereuse ou pas. Moi, de toute façon, quand je vois une vipère, je file à toute vitesse ! Je me tire !

–     À quoi ça sert ? C’est bien pratique, ça sert à ne pas avoir peur de choses qui ne sont pas dangereuses, et ça sert surtout à savoir pourquoi on lit, pourquoi on écoute. On anticipe, on lit et quand on lit, on voit mieux vers quoi on va.

–     Et pourquoi on lit ? Pourquoi on écoute ?

–     On lit pour être libre, pour ne plus avoir besoin de la maitresse, on lit pour voir plus loin, on lit pour ANTICIPER comme des grands, que je lui murmure, on a un projet ; quoi ! Tu vois, mon Théo, quand la maitresse nous dit qu’on anticipe, elle nous donne les clés de la liberté.

Là, mon Théo, il réfléchit, je le sens ailleurs. Et soudain, son regard s’éclaire, il revient à nous et il me dit :

« Alors, quand on lit, on sait où on va ?

–     Ben, oui et non ! que je lui dis.

–     Faudrait savoir ! C’est oui ou c’est non ?

–     C’est oui, si on dit que quand on lit une BD ou une revue, on sait qu’on va ailleurs, qu’on va découvrir quelque chose qui nous amuse ou qu’on ne savait pas. Et c’est non, parce que quand on commence à lire, on ne sait pas exactement ce qu’on va découvrir. C’est ça qui est chouette !

–     Ouh là ! qu’il me dit, tu commences à m’embrouiller, tu fais ton intello.

–     Théo, que je lui réponds, c’est juste vachement bien, parce que là, au moins, je sais pourquoi je vais à l’école.

–     Et pourquoi tu vas à l’école ? Moi, c’est pour retrouver mon pote !

–     Ben moi, c’est pour retrouver mon pote Théo et pour m’amuser à grandir et avoir envie de chercher encore à grandir, avec lui, peut-être grâce à lui.

–     Ouh là ! a dit Théo, toi t’es un intello !

–     Mais non, mon Théo, c’est juste que je t’aime et que j’ai envie que tu sois heureux. »

Et après quelques secondes de silence, Théo me dit « Est-ce que tu sais, toi, si les oies volent ?

–     Ben non, j’sais pas !

–     Alors, on va chercher à savoir ! »

Paul Benaych

22 /10/2023