La maitresse nous a félicités !
Les carnets de Théo (suite)
L’autre jour, Théo et moi, on était tout étonnés : la maitresse nous a félicités ! C’était nouveau.
On s’est dit « Mais pourquoi ? Qu’est-ce qu’on a fait ? Ou alors, c’est qu’elle était un peu fatiguée.
Alors, on l’a regardée, on l’a écoutée. C’était parce qu’on avait bien réussi nos exercices d’entrainement en orthographe et en grammaire. C’était la première fois, on n’avait pas l’habitude. Et puis, soudain, la maitresse a changé de ton. Elle a commencé à nous gronder, ça nous a rassurés, elle redevenait normale. Elle n’était pas contente, elle a dit comme ça que « notre rédaction était truffée de fautes », c’est elle qui nous l’a dit.
Nous on a pensé que c’était normal. On l’a écoutée, elle nous a expliqué des choses qu’on n’a pas bien comprises mais on lui a dit qu’on avait compris. Ça l’a rassurée.
Ce jour-là, on sentait qu’elle avait quelque chose à nous dire. Théo et moi, on s’est regardés, encore plus inquiets.
C’est alors qu’elle a lâché le morceau !
« J’ai reçu ta maman, dit-elle en se tournant vers Théo. Et elle m’a montré des choses incroyables ! »
Théo la regardait, éberlué. D’une part, sa maman ne lui avait pas dit qu’elle était venue voir la maitresse ; et d’autre part, qu’est-ce que sa maman avait pu montrer à la maitresse ?
« Ta maman m’a montré deux cartes postales. Une que tu avais écrite, et l’autre que tes grands-parents t’ont envoyée pour te répondre.
– Ah ! bon, a dit Théo, et pourquoi qu’elle vous a montré mes lettres. C’est à moi !
– Pour me montrer combien tu sais t’appliquer quand tu écris à tes grands-parents,
– Ben oui, a dit Théo, c’est normal, mon Papy et ma Mamy, je les aime, il faut qu’ils me comprennent quand je leur écris. Et comme ça, ils me répondent. Et moi, quand j’attends leur réponse, je suis tout excité !
– Mais alors, Théo, tu vois, quand tu veux, tu peux t’appliquer ! a continué la maitresse.
– M’appliquer ? Pourquoi je m’appliquerais, c’est pas noté. Je fais attention pour qu’on me comprenne, c’est tout.
– Alors, Théo, explique-moi pourquoi quand tu fais tes exercices de grammaire et d’orthographe, c’est toujours bien soigné, et quand tu fais une rédaction, c’est truffé de fautes !…
– Mais, maitresse, a dit Théo, c’est pas la même chose. Les exercices, ça m’amuse, j’applique les règles que tu nous apprends. Alors que la rédaction, j’ai pas envie.
– Et pourquoi tu n’as pas envie ?
– Parce que moi, j’ai envie d’écrire quand je sais qu’on va me répondre !
– Mais je te réponds, moi, je lis, je souligne tes fautes, je te mets une note. »
Alors, là, je suis intervenu dans leur discussion pour dire que nous, les élèves, on fait des erreurs, pas des fautes, c’est la maitresse qui nous l’a expliqué au début de l’année.
« Oui, bien sûr, je sais, vous faites beaucoup d’erreurs. Je dis « des fautes » par habitude ! a dit la maitresse.
– Oui, maitresse, je lui ai dit, mais c’est toi qui nous as expliqué que ce n’est pas la même chose.
– Bon d’accord ! qu’elle a dit ! »
Et elle s’est tournée vers Théo pour lui demander de répondre à sa question. Théo, pendant ce temps, il avait bien réfléchi. Il lui dit :
« Quand j’écris, c’est pour qu’on me réponde pour de vrai, pas avec un stylo rouge et des traits dans ma lettre ! »
Et là, la maitresse a arrêté de parler. On s’est regardés, on s’est dit « Ouh là ! là ! ça va chauffer ! » Elle réfléchissait.
Et soudain, elle a recommencé à parler, mais c’était sur un ton très différent. Elle a dit « Tiens ! Théo, tu viens de me donner une idée ! … »
Alors Théo m’a dit « C’est bizarre ! Maintenant, c’est les élèves qui donnent des idées à la maitresse… »
Et je lui ai dit « Et pourquoi pas ? Si on peut aider la maitresse à mieux nous comprendre, c’est déjà ça !
– Tu veux dire que c’est nous qui apprenons quelque chose à la maitresse ?
– C’est pas faux, mon Théo ! »
Paul Benaych – Mai 2024
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