Comprendre ! Comprendre !
Les carnets de Théo (suite)
Comprendre ! Comprendre ! Tu n’as que ce mot à la bouche ! Tu veux toujours tout comprendre !
– Ben oui, mon vieux Théo, c’est quand même bien mieux, non, quand on comprend ? Quand tu comprends ce que tu lis, tu te connais mieux, tu te comprends mieux et tu as des chances de mieux comprendre les autres. Pourquoi ne veux-tu pas comprendre ça ?
– Mais je comprends très bien tout cela, ne me prends pas pour un couillon ! Et tu veux que je te dise, même, je serais presque un peu d’accord avec toi…
– Alors, explique-moi pourquoi quand la maitresse nous dit qu’on va apprendre à comprendre, tu lèves les yeux au ciel et tu ne cherches pas à comprendre ce qu’on lit en classe !
– Je vais te dire un truc, mon copain ! Puisque tu es mon copain ! Un truc que tu sais très bien mais que parfois, tu aurais tendance à oublier : est-ce qu’on peut tout comprendre ? Comprendre par exemple qu’il y a des choses incompréhensibles, c’est drôlement plus reposant que de croire qu’on peut tout comprendre. Il faut être fou pour croire qu’on peut tout comprendre, ou sacrément prétentieux ! Tiens ! tu veux un exemple ?
– Ben oui, quoi ?
– L’autre jour, j’étais avec mon chat, il regardait, immobile, le jardin enneigé. Je me disais, « pas fou, le félin, il a pas envie de se geler les roubignolles, il ne va pas sortir ». Je me faisais mon film, il va rester tranquille au chaud, ça me rassurait d’avoir l’impression de le comprendre. Alors, je me suis approché, j’ai voulu le câliner, mais lui, tout d’un coup, il s’est collé à la vitre, il m’a regardé et j’ai compris que je n’avais rien compris, il voulait sortir ! J’ai ouvert, il a bondi, il avait vu quelque chose que je n’avais pas vu, il comprenait quelque chose que je ne comprenais pas, je l’ai observé et j’ai compris que j’étais plus petit que lui, et ça m’a fait du bien de grandir en comprenant que je ne comprenais pas tout. Tu vois ce que je veux dire ?
– C’est pas faux, mon Théo, je commence à comprendre,
– Pas mal, mon copain, tu grandis, qu’il me dit. »
Paul Benaych, 3 février 2024
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